Avantages spécifiques accordés à certains policiers en zone sensible

Décision de justice
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Le tribunal administratif de Nancy a rendu le 27 septembre 2016 une décision concernant les avantages accordés à certains policiers en zone sensible.

Vu la procédure suivante :

 Par une requête, enregistrée le 8 juin 2015, M. XX demande au Tribunal :

 1°) d’annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par l’administration pendant plus de deux mois suite à sa demande tendant à l’attribution de l’avantage spécifique d’ancienneté (ASA) ;

2°) de condamner, sous astreinte, l’Etat à lui payer les sommes à titre d’indemnisation correspondant à sa reconstitution de carrière pour la période de bonification au titre de l’ASA.

 Il soutient que :

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 et notamment son article 11 ;

- le décret n° 95-313 du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l’avantage spécifique d’ancienneté accordés à certains agents de l’Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles ;

- l’arrêté du 17 janvier 2001 fixant la liste des secteurs prévus au 1° de l’article 1er  du décret n° 95-313 du 21 mars 1995 ;

-   l’arrêté du 3 décembre 2015 fixant la listes des circonscriptions de police prévues au 1° de l'article 1er du décret n° 95-313 du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles ;

-  le code de justice administrative.

 Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

 Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Ghisu-Deparis,

- et les conclusions de Mme Bour, rapporteur public.

 Sur la recevabilité de la requête :

             1. Considérant qu’aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative : «  Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. » ; qu’aux termes de l’article R. 421-2 du même code : « Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. La date du dépôt de la demande à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête. » ;

             2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la demande du requérant tendant au bénéfice de l’avantage spécifique d’ancienneté  ou son bordereau d’envoi comporte le cachet de son administration, ce qui atteste de sa réception par cette dernière ; que par suite, le silence gardé par l’administration à la demande de M. XX tendant au bénéfice de l’avantage spécifique d’ancienneté a bien fait naître une décision implicite de rejet que le requérant est recevable à contester ;

 Sur les conclusions à fin d'annulation, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

            3. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique modifié par l'article 17 de la loi du 25 juillet 1994 : « Les fonctionnaires de l'Etat et les militaires de la gendarmerie affectés pendant une durée fixée par décret en Conseil d'Etat dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, ont droit, pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon, à un avantage spécifique d'ancienneté dans des conditions fixées par ce même décret » ; qu’en vertu de l’article 1er du décret du 21 mars 1995 pris pour l'application de ces dispositions législatives, les quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles doivent correspondre « en ce qui concerne les fonctionnaires de police, à des circonscriptions de police ou à des subdivisions de ces circonscriptions désignées par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité, du ministre chargé de la ville, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget » ; que cet arrêté est intervenu le 17 janvier 2001 ; que selon son article 1er : « Sont bénéficiaires des dispositions du décret du 21 mars 1995 susvisé les fonctionnaires de police en fonction dans le ressort territorial des circonscriptions de police relevant des secrétariats généraux pour l'administration de la police de Paris et de Versailles » ;

            4. Considérant que le ministre de l’intérieur ne conteste pas que le refus opposé à la demande de M. XX est fondé sur le fait qu’il n’a jamais été affecté dans le ressort territorial des circonscriptions de police relevant des secrétariats généraux pour l’administration de la police de Paris et de Versailles qui, en vertu de l’arrêté ministériel du 17 janvier 2001 précité, en vigueur à la date du refus, sont les seules dans lesquelles les fonctionnaires de police pouvaient bénéficier de l’avantage spécifique d’ancienneté ; que, cependant, il résulte des termes mêmes de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 modifiée que cet avantage est destiné aux fonctionnaires de l'Etat affectés dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles ; qu’en écartant par principe du bénéfice de cet avantage les fonctionnaires affectés en dehors du ressort territorial des circonscriptions de police relevant des secrétariats généraux pour l'administration de la police de Paris et de Versailles, sans égard à la situation concrète des circonscriptions de police ou de leurs subdivisions au regard du critère fixé par l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991, les ministres auteurs de l’arrêté ont commis une erreur de droit ; qu’il y a lieu, par suite, de faire droit au moyen tiré de l’illégalité par la voie de l’exception de cet arrêté ; que la décision implicite de rejet du ministre de l’intérieur, en tant qu’elle refuse pour le motif explicité plus haut à M. XX le bénéfice de l’avantage spécifique d’ancienneté, sur le fondement de l’arrêté du 17 janvier 2001, est par suite elle-même entachée d’illégalité ;  que M. XX est, dès lors, fondé à en demander pour ce motif l’annulation ;

Sur les conclusions à fin de condamnation et sans qu’il soit besoin de statuer sur l’exception de prescription quadriennale :

            5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. » ; qu’aux termes de l’article L. 911-2 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. » ;

            6. Considérant que dans l’hypothèse où un requérant demande l’annulation pour excès de pouvoir de la décision qui l’a privé d’une somme, il peut, sur le fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, demander que soit enjoint, pour l’exécution de cette annulation, le versement de cette somme ;

            7. Considérant qu’en demandant la condamnation de l’Etat à lui verser les sommes à titre d’indemnisation correspondant à sa reconstitution de carrière pour la période de bonification au titre de l’ASA, M. XX doit être regardé comme sollicitant qu’il soit enjoint à l’Etat de lui verser les sommes dues résultant de la reconnaissance du bénéfice du versement de l’ASA ; que toutefois, le moyen d’annulation retenu au point n°4, qui ne reconnaît pas au requérant un droit à l’ASA, n’implique pas nécessairement le versement de la somme réclamée mais uniquement que sa demande soit à nouveau réexaminée ;

            8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il est enjoint au ministre de l’intérieur de réexaminer la demande de M. XX tendant au bénéfice de l’ASA dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement ; qu’il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte ;

 

 DECIDE

 

Article 1er : La décision implicite par laquelle le ministre de l’intérieur a refusé d'accorder à M. XX l’allocation spécifique d’ancienneté est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l’intérieur de réexaminer la demande de M. XX tendant au bénéfice de l’ASA dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. XX et au ministre de l’intérieur.

 

Lu en audience publique le 27 septembre  2016.

 

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