Nancy Thermal : Le tribunal administratif résilie le contrat de concession conclu avec la société Grand Nancy Thermal Développement.
A titre liminaire, il convient d’exposer le cadre dans lequel le juge exerce son office lorsqu’il se prononce sur les recours en contestation de validité des contrats.
Les tiers susceptibles d’être lésés dans leurs intérêts par un contrat ou certaines de ses clauses peuvent en contester la validité devant le juge administratif. Ce recours est ainsi notamment ouvert aux contribuables d’une collectivité et aux élus de celle-ci.
Le juge apprécie l’importance des vices affectant la procédure de passation du contrat et les conséquences à en tirer. Il peut, selon les cas, décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, inviter les parties à prendre des mesures de régularisation, ou encore décider de résilier le contrat à compter d’une date qu’il détermine.
En revanche, à la différence de la résiliation, l’annulation a un effet rétroactif. Le juge n’est donc conduit à prononcer l’annulation du contrat que dans les hypothèses les plus graves : lorsque le contenu du contrat est illicite, lorsque le contrat se trouve affecté d’un vice du consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité, lequel est notamment révélé par la volonté de favoriser l’un des candidats à l’attribution du contrat.
Enfin, il appartient toujours au juge, avant de résilier ou d’annuler le contrat, de s’assurer que sa décision ne porte pas une atteinte excessive à l'intérêt général.
Le jugement du tribunal.
Saisi par trois élus du conseil et neuf contribuables de la métropole du Grand Nancy d’un recours contre le contrat de concession de service public pour la conception architecturale et technique, la réalisation et l’exploitation de Grand Nancy Thermal, conclu avec la Compagnie européenne des bains/Valvital, devenue la société Grand Nancy Thermal Développement, le tribunal administratif a décidé de résilier le contrat avec un effet différé, au plus tard à la date du 11 décembre 2022.
Le contrat prévoyait que le concessionnaire serait chargé de la conception du site Grand Nancy Thermal, de la réalisation des travaux de construction et de son exploitation pendant vingt-sept années.
Le tribunal a relevé plusieurs irrégularités dans la procédure de conclusion de ce contrat :
D’une part, il a relevé que la métropole du Grand Nancy avait initialement exclu de verser au futur exploitant toute subvention d’investissement pour financer les travaux de construction et de rénovation du site de Grand Nancy Thermal. Si une contribution annuelle était bien prévue pour l’exploitation du site durant les vingt-sept années prévues par le contrat, le tribunal a considéré qu’elle ne prenait initialement pas la forme d’une subvention d’investissement.
Or, le tribunal a constaté qu’au cours des négociations avec les candidats ayant présenté une première offre, la métropole avait modifié cette règle et finalement accepté de verser une subvention d’investissement de 25 millions d’euros et que la contribution annuelle était, dans le contrat signé, transformée en une subvention d’investissement versée en une seule fois (hormis la contribution en quatrième année d’exécution du contrat) à la date de mise en service effective prévisionnelle des équipements par le biais d’une cession de créance.
Le tribunal a estimé qu’en ne mentionnant pas, dans les documents de la consultation publiés à destination des potentiels candidats à l’attribution du contrat, le versement de cette subvention de 25 millions d’euros et en transformant la nature de la contribution forfaitaire annuelle versée chaque année au concessionnaire en une subvention d’équipement, la métropole du Grand Nancy avait méconnu le principe d’interdiction de la négociation sur les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation ainsi que les principes d’égal accès à la commande publique et de transparence de la procédure, notamment à l’égard des entreprises qui avaient renoncé à présenter une offre en prenant acte de l’exclusion, initialement prévue, de versement d’une subvention.
D’autre part, le tribunal a estimé que l’offre initiale de la Compagnie européenne des bains/Valvital, qui prévoyait l’octroi par la métropole d’une subvention d’investissement, ne respectait pas les caractéristiques minimales des documents de la consultation et aurait dû, pour ce motif, être éliminée.
Le tribunal a jugé que les irrégularités relevées ont pu dissuader d’autres sociétés de présenter une offre et ont affecté la légalité du choix du concessionnaire, ce qui en conséquence, fait obstacle à la poursuite de l’exécution du contrat. Cependant, le tribunal a estimé que ni le consentement de la personne publique, ni la licéité du contrat n’étaient affectés et qu’en l’absence de circonstances particulières révélant notamment une volonté de la personne publique de favoriser la société attributaire, les vices entachant le contrat justifiaient non pas son annulation, mais seulement sa résiliation.
Enfin, le tribunal a estimé que la résiliation ne portait pas une atteinte excessive à l’intérêt général à la condition d’être assortie d’un effet différé pour tenir compte de l’état d’avancement des travaux et des conséquences disproportionnées qui seraient induites par une résiliation intervenant avant leur achèvement. Il a en conséquence fixé la date de cette résiliation à la date d’achèvement des travaux ou, au plus tard, au 11 décembre 2022, date prévue pour la mise en service effective de l’ouvrage. A sa résiliation, le contrat ne produira plus d’effet et la métropole du Grand Nancy, si elle souhaite poursuivre le projet, devra lancer une nouvelle procédure de passation d’un contrat pour l’exploitation de Grand Nancy Thermal.
Les parties à cette instance disposent désormais d’un délai de deux mois pour interjeter appel de ce jugement.