Instruction en famille : le tribunal administratif de Nancy apporte des précisions sur les conditions pour en bénéficier

Décision de justice
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Le 13 février 2025, le tribunal administratif de Nancy s’est prononcé dans une série d’affaires relatives à l’instruction en famille et a été amené à apporter des précisions sur les modalités d’application de la loi du 24 août 2021

Plusieurs parents d’élèves ont contesté devant le tribunal administratif de Nancy le refus opposé par les services académiques à leurs demandes d’instruire en famille leurs enfants au titre de l’année scolaire 2024-2025.

Depuis la loi du 24 août 2021 confortant les principes de la République, l'instruction en famille a cessé d’être uniquement conditionnée à une déclaration préalable des parents de l’enfant et à des contrôles a posteriori par les services académiques. Elle est désormais soumise à un régime d’autorisation préalable, intégré au code de l’éducation. L’article L. 131-5 de ce code prévoit quatre motifs de délivrance de cette autorisation : l’état de santé ou le handicap de l’enfant, la pratique d’activités sportives ou artistiques intensives, l’itinérance de la famille et enfin l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif. C’est ce dernier motif qui a justifié les refus contestés devant le tribunal.

Dans sa décision n° 2021-823 DC rendue le 13 août 2021, le Conseil constitutionnel avait estimé que l'instruction en famille n’était pas une composante de la liberté de l'enseignement, reconnue par la Constitution. S’appuyant sur cette décision et sur plusieurs avis et décisions ultérieurs du Conseil d’Etat, le tribunal administratif a précisé les critères sur lesquels l’administration académique doit se fonder pour accorder ou refuser une autorisation d’instruire un enfant dans sa famille.

Sous le contrôle du juge administratif, l’administration doit ainsi, en premier lieu, vérifier l’existence d’une « situation propre » à l’enfant. Celle-ci doit être suffisamment caractérisée pour démontrer chez l’enfant un besoin spécifique à prendre en compte en matière d’instruction. La seule intention des parents de proposer des méthodes d’instruction alternatives à leur enfant, sans caractérisation d’une situation propre, c’est-à-dire spécifique, de l’enfant ne suffit plus à permettre l’instruction en famille dans le cadre du régime juridique résultant de la loi du 24 août 2021.

Lorsqu’une situation propre est mise en lumière, l’administration doit en deuxième lieu s’assurer que les parents demandeurs ont élaboré un projet pédagogique répondant à cette situation propre ainsi qu’aux attendus de l’éducation nationale et vérifier la capacité des personnes chargées de l’instruction de l’enfant.

En dernier lieu, l’administration doit apprécier, au regard de la situation propre de l’enfant et du projet pédagogique présenté, si l’instruction en famille est dans chaque cas le mode d’instruction le plus conforme à l’intérêt de l’enfant.

La décision est prise par le directeur académique des services de l’éducation nationale. Les décisions de refus peuvent être contestées devant le juge administratif après l’exercice d’un recours administratif préalable obligatoire devant une commission académique.

Plusieurs familles étaient présentes à l’audience du 23 janvier dernier et avaient pu développer leurs arguments auprès du tribunal. Le 13 février, si le tribunal a confirmé la position de l’administration dans la majorité des requêtes, il a toutefois prononcé l’annulation des refus d’autoriser l’instruction en famille dans trois affaires.

Le tribunal a ainsi prononcé une annulation dans le cas de jumeaux, garçon et fille, en âge d’entrer à l’école maternelle, nés grands prématurés, et qui, au regard des conclusions d’une psychologue hospitalière, pouvaient être regardés comme ayant, à ce stade de leur développement, des besoins spécifiques en lien avec leur fragilité émotionnelle, leurs difficultés à entrer en contact avec des personnes étrangères et à gérer les séparations imposées.

Dans un autre cas, l’annulation concernait un enfant à la double nationalité française et américaine à qui les parents souhaitaient permettre de suivre une part significative de ses enseignements en anglais américain en vue d’une future installation de la famille aux États‑Unis.

Dans ces différentes situations, le tribunal a considéré, au vu de la situation propre des enfants et du projet éducatif élaboré par les parents, que l’instruction en famille était, pour l’année scolaire considérée, la modalité d’instruction la plus conforme à leur intérêt.

> Jugement, TA Nancy, 13 février 2025, N° 2401612

> Jugement, TA Nancy, 13 février 2025, N° 2401613

> Jugement, TA Nancy, 13 février 2025, N° 2401617

> Jugement, TA Nancy, 13 février 2025, N° 2401705

> Jugement, TA Nancy, 13 février 2025, N° 2401707

> Jugement, TA Nancy, 13 février 2025, N° 2402399, 2402430

> Jugement, TA Nancy, 13 février 2025, N° 2402426, 2402428

> Jugement, TA Nancy, 13 février 2025, N° 2402444

> Jugement, TA Nancy, 13 février 2025, N° 2402517

> Jugement, TA Nancy, 13 février 2025, N° 2402579

> Jugement, TA Nancy, 13 février 2025, N° 2402592

> Jugement, TA Nancy, 13 février 2025, N° 2402622

> Jugement, TA Nancy, 13 février 2025, N° 2402906